Que serait la culture sans les intermittents du spectacle ?

Publié le par Cercle Jacques Decour

Le jeudi 31 mai 2007 à 20 heures, aux cinémas « Les Studio », à Tours, Le CNP, le Cercle Jacques-Decour,  le Syndicat français des artistes interprètes CGT, ont organisé une soirée ciné-débat sur le thème :
 
Que serait la culture sans les intermittents du spectacle ?
 
Après la présentation du film de Jean-Luc Galvan : Bleu de travail et bleu du ciel, un débat s’est instauré, passionné et riche d’enseignements, avec Patrick Harivel,  acteur interprète, des représentants  du Syndicat Tourangeau des Artistes Musiciens CGT et le Cercle Jacques Decour.
L’idée de cette soirée est née d’une série de questions que nous nous posions :
 
Les intermittents, créateurs, interprètes, techniciens du spectacle vivant sont-ils des artistes en pointillés ?
Ø     Qu’apportent-ils à la culture ?
Ø     Que serait sans eux la vie culturelle de notre pays ?
Ø     Pourquoi les violentes attaques et les manœuvres diverses menées à leur encontre par les gouvernements, le MEDEF ?
Ø     Pourquoi les signatures successives en 4 ans d’au moins deux protocoles d’accord mettant en question l’existence de plusieurs milliers d’entre eux ?
 
Le documentaire que nous avons présenté montre des professionnels du spectacle en bleu de travail :
Jean-Luc Galvan est auteur et réalisateur de Bleu du travail et bleu du ciel. Où il est question du travail de l’artiste, de son statut dans la société et du travail en général.
 
L’auteur-réalisateur, en partant des professions du spectacle, et du statut d’intermittent, se pose la question du rapport au travail. Dans ces milieux, " artistiques ", mais aussi au-delà.
 
Jean-Luc Galvan a aussi participé à l’écriture d’un documentaire de création, les Rêves de la main, réalisé par Renaud Verbois, en 1999. Où il est question des ganteries de Millau, fermées pour cause de rentabilité économique. Et de toute la perte d’un savoir-faire, et d’une certaine forme d’art dans le travail.
 
Là, avec Bleu du travail et bleu du ciel, il renoue avec cette réflexion autour de la notion de travail. " L’idée de ce film est née en 1996-1997, pendant les luttes des intermittents du spectacle pour le maintien de leur statut ", explique-t-il. Lui, à l’époque a participé au mouvement, à Toulouse ". Et a filmé les actions ponctuelles des intermittents.
 
Parallèlement, il s’est associé aux débats " très riches " des coordinations nationales.
C’est cet engagement qui a fait naître le film que nous avons regardé ensemble.
Dans ce documentaire, le fil conducteur est la remise en cause de la création culturelle comme production marchande.
 Il invite à réfléchir au statut de ceux qui participent à la création : salariés lorsqu’ils reçoivent un cachet. Et chômeurs indemnisés le reste du temps.
 En fait, le statut d’intermittent ne paye pas le travail, mais les périodes hors contrat.
 
Jean-Luc Galvan est allé rencontrer des professionnels du spectacle impliqués dans ce mouvement de 1996. Comme l’Usine, Okupa Mobil ou Saltobrank. Tous ces gens, considérés comme chômeurs en dehors des 507 heures (ou 43 cachets) qui leur assuraient à l’époque l’ouverture de droits aux ASSEDICS. " Qui ont fui le salariat traditionnel, parce qu’ils ont envie d’"autre chose". Ils bossent beaucoup, mais ils n’ont pas d’horaires fixes, ni de journées "type". Ils créent un autre rapport au temps. "
 
Jean-Luc Galvan a donc interrogé ce rapport au temps de la création. Et au travail qu’elle représente, parce qu’elle ne naît pas de rien.
 
Bleu du travail et bleu du ciel, parce qu’ « il faut beaucoup travailler pour fabriquer du rêve ».
 
Ce qui induit d’emblée une autre question : quelle est la part du rêve dans le travail ? Comment peut-on associer les deux ? Est-ce que c’est conciliable ? "
Pour le réalisateur, la réponse est positive.
 
Mais il a peur qu’aujourd’hui, nous installions une culture à deux vitesses : la grosse artillerie d’un côté, financée à coups de grosses subventions. De moins en moins de compagnies reçoivent de plus en plus de fric. Et à côté, des gens qui essayent de vivre, d’innover, de créer, avec peu de moyens. Aujourd’hui, une compagnie ne peut pas salarier ses comédiens, ses techniciens. Si le statut d’intermittent disparaissait, le théâtre, la musique, l’audiovisuel connaîtraient un appauvrissement sans précédent. La multiplicité, l’échange, la confrontation, l’émulation permettent d’avoir une création aussi vivante. "
 
La question : comment prend-on en compte le travail réel d’un artiste ? Le temps de la création pure, le temps de la répétition, le temps du montage des décors ? Tout cet envers du décor que le spectateur ne voit pas, et qui n’est pas non plus décompté lorsqu’une compagnie vend un spectacle ? En 1997, les intermittents en lutte proposaient d’étendre leur statut à toutes les couches de la société, toutes activités confondues. " D’abord, ça empêcherait les gens de faire n’importe quoi, à n’importe quel prix, comme veut l’imposer le patronat. Et puis ensuite, ça permettrait à tout le monde de repartir sur d’autres bases, à n’importe quel moment de sa vie."
 
Ce petit film n’est pas une bible. Mais à mélanger imaginaire, travail de l’artiste et travail pour monter un spectacle, il ouvre des portes sur une question toute simple : au fait, qu’est-ce que travailler ? Et à quoi ça sert ?
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